La Villa Majorelle
Une maison rénovée
Sous la conduite de Camille André, architecte du patrimoine, restaurateurs et entreprises spécialisés se sont attelés à une rénovation minutieuse et respectueuse du bâtiment, tel que l’ont habité Louis Majorelle et sa famille. Seront ouvertes à la visite les pièces de réception du rez-de-chaussée (salle à manger, salon, terrasse) ainsi que la chambre à coucher au premier étage, sans oublier l’exceptionnel escalier et ses vitraux de Jacques Gruber.
Une dernière phase travaux ne nécessitant pas de fermeture au public est programmée en 2021-2022. Elle prévoit la recréation de la salle de bain et de la penderie attenante à la chambre à coucher et la création d’espaces didactiques et pédagogiques au premier étage, ainsi que la rénovation de l’atelier de Louis Majorelle au 2e étage.
Première maison Art nouveau de Nancy
Œuvre de l’architecte Henri Sauvage construite vers 1901-1902 pour l’artiste Louis Majorelle, classée Monument Historique, est une maison emblématique de l’Art nouveau nancéien.
La Villa Majorelle occupe une place toute particulière dans l’histoire de l’architecture. Première maison entièrement Art nouveau de Nancy, elle témoigne d’une parfaite collaboration entre artistes parisiens et nancéiens. C’est ainsi qu’aux côtés d’Henri Sauvage, on retrouve les noms de Jacques Gruber pour les vitraux, d’Alexandre Bigot pour les grès, de Francis Jourdain et Henri Royer pour les peintures sans oublier Louis Majorelle lui-même pour les ferronneries, les boiseries et le mobilier ou encore Lucien Weissenburger pour l’exécution et le suivi du chantier.
Ouverte au public depuis 1997, la Villa Majorelle témoigne toujours, tant dans son architecture extérieure que dans sa décoration intérieure, de la notion d’unité de l’art prônée par les artistes membres de l’École de Nancy.
HiSTOiRE
Un commanditaire pas comme les autres : LOUiS MAJORELLE
Louis Majorelle, naït à Toul le 3 octobre 1859. Son père, Auguste Majorelle (1825–1879), connaït un certain succès dans le domaine de la décoration de mobilier dans le style japonais (vernis Martin) et la copie de style. Alors qu’il envisage une car- rière de peintre et étudie à l’École des Beaux-Arts
de Paris, Louis doit revenir à Nancy à la mort de son père pour épauler sa mère dans la direction de l’entreprise fami- liale. Celle-ci emploie déjà plus de vingt ouvriers et pro te de conditions économiques favorables, au lendemain de l’annexion de l’Alsace Moselle.
Sous l’impulsion de Louis, la manufacture se lance dans une production de mobilier moderne,
in uencé par la nature et les recherches d’Émile Gallé, dont le succès est immédiat. Dans le même temps, il poursuit une production industrielle de copies de style. Avec l’aide de son frère, Jules Majorelle, l’entreprise amorce la conquête des marchés parisiens et internationaux. Dès 1904, elle dispose d’un magasin de vente à Paris rue de Provence (l’ancien magasin de Samuel Bing), tandis que des succursales sont implantées à Londres, Berlin, Lyon, Lille ou même Oran. Des catalogues de vente présentent une production variée et attestent de la pérennité de certains modèles au l des décennies. Les commandes de maisons de haute couture, cafés parisiens, riches industriels, grands magasins ou ambassades assurent à l’entreprise un succès et une reconnaissance durable.
Une maison construite par un artiste pour un artiste
En 1898, Louis Majorelle con e à l’architecte Henri Sauvage (1873–1932), rencontré chez leur ami commun le sculpteur Alexandre Charpentier, l’élabora- tion des plans de sa maison personnelle à Nancy. à‚gé d’à peine 26 ans, Henri Sauvage n’a pas encore mené de projet similaire et ne peut justier que d’une expérience de quelques mois auprès de l’architecte bruxellois Paul Saintenoy. Majorelle le préfère néanmoins à l’architecte nancéien Lucien Weissenburger qui vient de construire ses ateliers et à qui sera con é le suivi du chantier. Ce choix tient sans doute d’une part à l’audace créative de l’architecte parisien et d’autre part au réseau d’artistes qui seront appelés à collaborer au projet. C’est aussi pour Majorelle, l’occasion de révéler à Nancy des pistes concep- tuelles inédites.
La Villa Majorelle ou Villa Jika, d’après les initiales de l’épouse de Louis Majorelle, Jane Kretz est construite en 1901-1902 et occupe une place toute particulière dans l’histoire de l’architec- ture nancéienne. Première maison entièrement Art nouveau de Nancy, elle est conçue comme un ensemble dont chaque élément qui compose sa structure et son décor est imaginé en étroite interdépendance avec le reste de l’édi ce. La uidité des formes et des motifs décoratifs et le jeu continu de l’articulation entre extérieur et intérieur font de la Villa Majorelle un exemple d’appli- cation de la notion d’unité de l’art prônée par de nombreux artistes de l’époque.
Proscrire la symétrie Académique
La maison voulue par Louis Majorelle devait re é- ter l’esprit qui régnait dans son travail: moder- nité, dynamisme et simplicité non ostentatoire. De dimensions raisonnables, elle est d’abord pen- sée pour ses habitants et leur confort quotidien.
Sauvage pense espace à vivre avant élévation, distribution intérieure avant canons académiques, pour un résultat quali é par Franz Jourdain de « fantaisie savoureuse et spirituelle » dans le long article qu’il consacre à l’édi ce dans Art et Décoration en 1902. « Le regard suit la montée de l’escalier, pénètre dans l’atelier par sa vaste verrière, devine l’intimité des chambres à coucher, s’arrête aux petites baies des cabinets de toilette, s’attarde aux dimensions étof- fées d’une hospitalière salle à manger, inspecte à l’aise le vestibule […] sans prétention. […] De hautes souches a n d’activer le tirage des cheminées […], de robustes tuyaux de descente […] des auvents protecteurs, des balcons sail- lants, des consoles en bois rompant la rigidité de la pierre, […] ; des grès émaillés aux fulgurances fastueuses […] ; des menuiseries harmonieusement teintées ; des fers forgés sobrement étudiés […] ; tout a sa place, tout avec sa raison d’être, rien à ajouter et rien à retrancher ».
L’ensemble de l’élévation joue des oppositions répétées : la nudité austère de la pierre d’Euville face à la polychromie des briques, grès, menuiseries et ferronneries ; la verticalité af rmée de la tour de l’escalier face à l’arc ellip- tique de la terrasse ; l’inspiration médiévale de l’arc-boutant (disparu) face à la menuiserie japonisante d’un balcon…
à€ l’intérieur, les espaces dévolus au service, à la réception et au quotidien se répartissent avec uidité et rationalité. Le décor, souligné par l’omniprésence du bois, sert de l conducteur à la distribution intérieure et de lien avec l’extérieur.
Des talents multiples au service du décor
Sauvage se charge de la décoration xe, dont la quincaillerie et fait appel à d’autres artistes pour les interventions spéciques. Ses amis parisiens, le céramiste Alexandre Bigot et le peintre Francis Jourdain réalisent respectivement les grès ammés extérieurs et intérieurs et les peintures décoratives de la salle à manger. Louis Majorelle conçoit sans surprise le mobilier, dont une partie existe déjà dans ses catalogues de vente. Il revient au maïtre-verrier nancéien Jacques Gruber le soin de concevoir les vitraux des pièces principales (cage d’escalier, salle à manger et salon, chambre des Majorelle). Le gros œuvre, une structure en béton, est réalisé par l’entreprise France-Lanord et Bichaton.
L’ensemble ni montre parfois des maladresses, comme l’exposition nord de la terrasse, des réemplois et choix d’économie, mais surtout la Villa Majorelle s’impose comme une œuvre expérimentale unique. « J’y travaillai deux ans, remaniant cent fois mon ouvrage… Que ce premier client, que ce bel artiste reçoive ici (…) l’expression de ma plus vive gratitude pour la liberté ines- pérée qu’il me laissa – ne m’imposant, malgré mon jeune âge, ni les limites d’un crédit, ni ses idées personnelles. » dira plus tard Henri Sauvage.
LA ViSiTE
Pour une expérience immersive
La rénovation de la Villa Majorelle poursuit un objectif essentiel : offrir aux visiteurs une immersion dans le Nancy 1900, avec la sensation d’entrer dans l’intimité d’une famille, les Majorelle.
Plus ouverte et offrant de nouveaux services, la villa doit devenir une porte d’entrée incontournable pour explorer le Nancy Art nouveau. Un système de signalétique et de médiation bien intégré est déployé aux abords immédiats mais également dans la maison, pour permettre de décrypter ce courant de l’histoire de l’art, raconter l’histoire des Majorelle et offrir une découverte adaptée à chacun.
La terrasse de la maison propose une accessibilité renforcée, grâce à une visite virtuelle de la villa et une maquette tactile pour une découverte sensorielle de l’architecture Art nouveau. Une application de visite a été développée a n d’accompagner le visiteur dans sa découverte.
Bienvenu chez Majorelle !
Le visiteur qui découvre pour la première fois la Villa Ma- jorelle en franchissant le portail sera sans doute surpris par l’absence de recul et d’espace autour de la maison. Le lotissement du quartier et le percement de la rue Majorelle dans les années 1930 ont en effet fait disparaïtre presque entièrement le parc. à€ l’origine, le portail s’ouvrait sur la rue du Viel-Aïtre et un grand jardin arboré servait de décor naturel à la maison, à l’abri des regards… Depuis la terrasse, on jouissait même d’une agréable vue sur la côte. à€ l’arrière du parc, se trouvaient les ateliers de la fabrique Majorelle.
Passée la porte d’entrée au spectaculaire décor de monnaie-du-pape, le visiteur découvre le ves- tibule, qui agit comme une liaison entre l’extérieur et l’intérieur. L’astucieux fauteuil – qui n’est pas sans rappeler une cathèdre – est le premier d’une série d’éléments mobiliers-immobiliers intégrés à l’espace. Le miroir – porte-parapluies – porte-manteaux lumineux est un bel exemple de l’association réussie de l’utile et de l’agréable. Le décor réalisé au pochoir, a été repeint très tôt sur un premier décor pratiquement identique, dont témoigne un panneau à droite de la porte d’entrée. Le vitrail en imposte complète la déclinaison méthodique du motif. La monnaie-du- pape, ou lunaire, est symbole de prospérité et porte-bonheur. Son pro l très graphique avec ses fruits en capsules argenté, évoquant des pièces de monnaie, t de la plante un motif apprécié par les artistes de l’École de Nancy.
Entré dans la volumineuse cage d’escalier, le visiteur est immédiatement attiré par la verticalité imposante de cet espace. La rampe dessinée par Henri Sauvage et exécutée par Louis Majorelle exprime par son amorce la force et la croissance du lierre dont le feuillage diminue au fur et à me- sure que l’on s’élève pour laisser place au mouvement tournoyant des balustres. Les deux grandes baies qui l’éclairent, ornées de vitraux de Jacques Gruber, créent une cohérence dynamique.
Dans le couloir à gauche, une double porte donne accès à la salle à manger. Elle se caractérise par la présence imposante d’une cheminée en grès ammé, dessinée par Alexandre Bigot, au centre. Elle crée une séparation virtuelle entre la salle à manger à proprement parler et un espace souvent quali é de « fumoir », meublé de bureaux et consoles.
Tout autour de la pièce, la frise de panneaux peints par Francis Jourdain déploie son joyeux cortège d’animaux de ferme. Le mobilier Les Blés, a été conçu par Louis Majorelle. Les vitraux de Gruber à motif de coloquintes com- plètent le décor tout en saveurs de la pièce.
Le visiteur sera sensible aux détails délicats des plaques de propreté à décor d’ombelles et vo- lets d’aération de cuivre ainsi qu’au jeu permanent des éléments de décor de bois, plaquages et consoles, qui apportent un rythme à la fois formel et coloré.
Très modifié, le salon présentait à l’origine un abondant décor stuqué, à motif de pommes de pin, repris sur le mobilier et la cheminée. Le motif du pin était à nouveau déployé sur le vitrail de Jacques Gruber détruit en 1916 et remplacé par un vitrail à décor orientalisant très coloré, orné d’une résille de bois doré. Contrairement aux dégagements ou à la salle à manger, les menui- series sont ici peintes dans un gris beige identi é par sondage. Le mobilier à décor de pommes de pin, composé d’une banquette, de deux fauteuils et de deux chaises, n’est pas d’origine mais identique par son décor sculpté et sa garniture brodée à l’ensemble présent sur les photos an- ciennes. La table aux butomées, le porte-plante et les autres meubles exposés évoquent l’am- biance du salon, paré de nombreux bibelots.
On accède ensuite par une double porte vitrée à la ter- rasse. Sauvage l’avait imaginée ouverte sur le jardin, mais son exposition peu favorable au nord pousse les Majo- relle à y installer une baie menuisée vers 1907. Les clichés de l’album de Jacques Majorelle témoignent d’un usage fréquent de cet espace, employé comme lieu de repos et de repas. La spectaculaire balustrade en grès a été exécu- tée par Alexandre Bigot, d’après un dessin d’Henri Sau- vage – leurs signatures sont visibles près des deux jardi- nières situées aux extrémités.
Le céramiste est également l’auteur d’un panneau décoratif sur le thème de la lentille d’eau dans de délicats tons bleutés sur le mur intérieur de la véran- da. Ce dernier est surmonté d’une peinture décorative d’Henri Royer, peintre proche de Louis et Jacques Majorelle. Installée après 1905, la toile marou ée d’inspiration symboliste évoque la naissance du jour dans un paysage idyl- lique o๠se mêlent hommes, femmes, enfants et paons. Le meuble à deux miroirs est d’origine, de même que les verres colorés dans les impostes de la baie de l’extrémité opposée.
Le visiteur accède ensuite à l’étage. La première pièce qui s’ouvre sur le palier (fermée au public), constituait une sorte d’antichambre. Elle accueillait le bureau et la penderie de Jika et donnait accès à la salle de bain (restitution programmée pour 2021-2022). La chambre à coucher, directe- ment accessible par le couloir, renferme un mobilier d’exception, composé d’un lit, d’une armoire, de deux commodes et d’une table de chevet. Exécuté en frêne, avec un placage de la même essence et des incrustations de nacre et de laiton, le mobilier est réalisé dans un bois clair, assez rare dans la production de l’ébéniste.
Les portes et les menuiseries présentent un décor de faux bois imitant le pitchpin (essence d’Amérique du nord), révélé à l’occasion des sondages effectués lors des travaux. Les murs sont tendus d’un tissu gaufré dans les tons verts évoquant l’atmosphère chaleureuse de la pièce, renforcée par la présence d’une moquette. Les deux portes centrales sont agrémentées de vitraux à décor de monnaie-du-pape restitués d’après les photos anciennes par l’atelier Bénédicte Lachéré.
Au deuxième étage, on retrouve un décor mural réalisé au pochoir sur les rampants du plafond. Comme dans le vestibule, un premier décor identique a été découvert lors de sondages. à€ côté des chambres destinées au personnel de service, un couloir conduit à l’atelier de Louis Majorelle (réservé aux scolaires), éclairé par une grande baie exposée au nord, comme il est traditionnel- lement d’usage dans les ateliers de peinture. Ses boiseries évoquant les rami cations d’un arbre sont un élément fort de l’élévation nord. Plusieurs tableaux de Louis Majorelle, exposés à tra- vers la maison, rappellent sa vocation initiale de peintre, et l’atelier prouve qu’il n’en abandonna jamais la pratique.
CONDITIONS DE VISITE
Afin de garantir un confort de visite optimal et des conditions de sécurités suffisantes, la Villa Majorelle est accessible aux visiteurs sur réservation préalable :
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– individuels : réservation des billets en ligne
Sur le site internet du musée de l’École de Nancymusee-ecole-de-nancy.nancy.fr
ou sur tickeasy
villamajorelle-nancy.tickeasy.com
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– Groupes : réservation auprès du département des publics de Nancy-Musées Du lundi au vendredi, de 9h30 à 12h
OUVERTURE
Par téléphone : 03 83 85 30 01
Par mail : resa-nancymusees@mairie-nancy.fr
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– Du mercredi au dimanche
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– Le matin de 9 h à 12 h pour les groupes
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– L’après-midi de 14 h à 18 h pour les visiteurs individuels
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– Hors ouverture pour vos soirées de prestige, etc.
Fermetures : 1er janvier, 1er mai, 14 juillet, 1er novembre et 25 décembre
CONTACTS
VILLA MAJORELLE
1, rue Louis Majorelle
F-54000 Nancymusee-ecole-de-nancy.nancy.fr
SOURCE : https://musee-ecole-de-nancy.nancy.fr