González est le plus jeune des quatre enfants de Concordio González, un célèbre ferronnier d’art et orfèvre de Barcelone, et de Pilar Pellicer, la sœur du peintre catalan José Luis Pellicer. Dans sa jeunesse il a travaillé avec son père et son frère aîné Joan dans la fonderie familiale fondée par le grand-père, tout en prenant des cours du soir de peinture et de dessin aux Beaux-Arts de Barcelone. Il participe alors très jeune à plusieurs expositions d’orfèvrerie avec son frère Joan, lors desquelles ils remportent la médaille d’or de l’Exposition internationale des arts appliqués de Barcelone en 1892 et la médaille de bronze de la Biennale internationale de Chicago de 1893. En 1896, après le décès du père, Joan González reprend la maison d’orfèvrerie familiale, aidé par son frère cadet Julio.
À partir de 1897, Julio González fréquente avec Joan le célèbre café barcelonais Els Quatre Gats, et où il fait la connaissance notamment de Picasso, Manolo Hugué dit Manolo, Joaquín Torres García et Pablo Gargallo. C’est au contact de ces personnes que s’effectue sa transition de l’artisan à l’artiste, et qu’il souhaite devenir peintre. Dans ces années, Julio González fait deux voyages à Paris, son premier avec l’ensemble de la famille en 1897, puis un second qu’il effectue seul en 1899.
L’arrivée à Paris et les débuts :
En 1900, la famille González part pour Paris et s’installe 22, avenue du Maine, dans le Montparnasse cosmopolite et artistique d’avant-guerre. Les créations de Julio González sont alors essentiellement consacrées à l’exécution de pastels, le plus généralement représentant des portraits de jeunes femmes qui se vendent facilement, et qu’il signe Jules González. De 1900 à 1904, Picasso et González se fréquentent assidûment, faisant notamment un séjour ensemble à Barcelone en 1902 lors duquel Picasso peint un célèbre portrait de son ami. Après ce voyage González ne reviendra jamais dans son pays natal. Les dessins et les rares peintures à l’huile de cette époque sont très influencés par ceux de la période bleue de Picasso et par les œuvres de Gauguin qu’il voit dans la collection de Paco Durrio, avec qui il se lie plus particulièrement d’amitié. Deux autres sources importantes d’inspiration stylistique sont également notables dans son travail. D’une part le travail de Rodin, que González découvre à son arrivée à Paris lors d’une importante exposition de 1900, et d’autre part les peintures de Puvis de Chavannes. De toutes ces influences, qui aboutiront à l’exécution d’environ une centaine de pastels et quelques peintures, émerge une importante huile sur toile dans l’œuvre de cet homme qui sera principalement reconnue plus tard pour son travail de sculpteur : Paysanne à la chèvre de 1903. Durant cette période, il participe activement à la vie de la communauté artistique espagnole installée à Paris. En mars 1904, il s’installe dans l’ancien atelier de Pablo Gargallo, 3 rue Vercingétorix. C’est à ce moment qu’une sombre affaire de dessins de Joan González, confiés à la famille de Picasso à Barcelone, vient brouiller l’amitié des deux artistes pendant de nombreuses années. González écrit à Picasso le 23 août 1904 une lettre lui interdisant toute venue dans l’appartement familial et l’accès à son atelier :
« Tu dis que tu ne veux pas rencontrer mon frère et à cause de ça tu ne viens pas à l’atelier, maintenant c’est moi qui te le dis : tant que cette affaire ne sera pas réglée, pour l’honneur de mon frère et le mien, je t’interdis l’entrée de ma maison comme de mon atelier. »
En 1907, Julio González expose Mère et enfant au Salon des indépendants et déménage dans un nouvel atelier au 282, rue Saint-Jacques. La mort de son frère Joan le 31 mars 1908 l’affectera longtemps et l’empêchera de travailler près d’une année10. Il exposera à nouveau au Salon d’automne en 1909. Cette même année, il se marie avec Louise Breton dite « Jeanne » dont il aura une fille, prénommée Roberta et née le 9 septembre 1909. Sa relation avec « Jeanne » lui inspire, entre 1908 et 1914, de nombreux dessins, nus, et portraits de celle-ci. Cependant le couple se sépare en 1912, et la petite Roberta reste avec son père11. La mère et les deux sœurs de González viennent le rejoindre à Paris en 1913, et lui s’installe dans un nouvel atelier au 45, rue Vandamme. Toutefois, durant toute cette période, il rencontre de nombreux artistes dont Pablo Gargallo, à qui il apporte son aide pour ses sculptures en métal, Juan Gris, Max Jacob, et l’écrivain et critique d’art Alexandre Mercereau qui deviendra son agent. Alors qu’éclate en août 1914 la Première Guerre mondiale, il devient sociétaire du Salon d’automne, et présentera de nombreuses œuvres et bijoux durant le conflit au Salon des indépendants. Avec l’aide de sa famille et notamment ses sœurs rentrées définitivement de Barcelone où elles avaient fui le conflit, il ouvre en 1915 un magasin de bijoux et d’objets d’art au 136, boulevard Raspail. L’année suivante, il déménage dans un nouvel atelier rue Leclerc, qu’il habitera également jusqu’en 1918. Pendant ces années de conflit, González, qui doit subvenir aux besoins de sa famille, est dans une certaine difficulté financière. Il augmente alors notablement sa production artistique qui est essentiellement constituée de nombreux dessins et pastels représentant des scènes paysannes et des bouquets, de portraits, et de masques en cuivre repoussé qui se vendent plus facilement dans le magasin familial.
González-Picasso, le fer et les techniques de sculpture :
En 1918, dans l’atelier de la maison qu’il habite désormais il développe un intérêt pour différentes techniques de travail des métaux et engage dès lors sa transition vers la sculpture, notamment en interagissant avec Pablo Gargallo, qui aura un fort impact sur les créations de cette époque. Il est engagé comme apprenti à l’atelier de chaudronnerie de la Soudure autogène française des usines Renault de Boulogne-sur-Seine où il apprend les techniques de soudure oxyacétylénique qu’il intègre dans ses créations, mais qui restent cependant très classicisantes. Les évolutions de l’art moderne de cette époque ne l’influencent pas. En novembre 1920, pour désormais travailler le fer, Julio González prend un nouvel atelier au 18, rue d’Odessa.
En 1922, González réalise sa toute première exposition individuelle à la galerie Povolosky, rue Bonaparte, en présentant un aperçu complet de son travail avec des peintures, sculptures, dessins et pièces d’orfèvrerie. Brancusi, qui doit préparer une exposition à New York de l’année suivante, fait appel à lui, en 1925, pour forger les armatures métalliques et polir ses bronzes. Après une longue période de célibat durant laquelle il élève seul sa fille (qui est fréquemment malade et se fait soigner en maison de repos à Berck), il rencontre, Marie-Thérèse Roux, également orfèvre, et entame avec elle une vie commune. En septembre 1925, il achète une maison de campagne à Monthyon en Seine-et-Marne.
En 1927, González crée ses premières sculptures en fer, souvent sous forme de plaques découpées formant des reliefs et des creux, mais reste peu audacieux et avance à petits pas. Gargallo lui demande à cette époque de l’aide pour élargir ses connaissances du fer en vue de l’exposition universelle de Barcelone de 1929. C’est à partir de 1928 que commence réellement la période d’intense collaboration technique entre Picasso et González. González participe alors activement aux créations cubistes analytiques des sculptures filiformes en fer de Picasso, qui admire la dextérité technique de son ami et considère « qu’il travaille le métal comme une motte de beurre ». Picasso avait en effet reçu, en 1921, la commande d’un monument funéraire pour la tombe de son ami Guillaume Apollinaire, œuvre longuement maturée dans une succession de croquis et d’études sur plus de cinq années, et dont les nombreuses propositions ont toutes été rejetées par le jury chargé de les évaluer. Picasso finit par concevoir des sculptures anthropomorphiques filiformes, véritables dessins dans l’espace, dont il doit présenter des maquettes. González va proposer à Picasso des solutions aux techniques de soudure que ne connait pas ce dernier pour la réalisation de ces sculptures issues des dessins préparatoires du Carnet de Dinard, datant d’août 1928, et qui constitueront le Monument pour Apollinaire. Tout en collaborant avec Picasso, González développe alors à son contact son propre style inspiré des recherches de l’initiateur du mouvement. Picasso prépare par de nombreux croquis à partir du 20 mars 1928, la fameuse sculpture Tête, à laquelle González apporte les solutions techniques de réalisation contre rétribution. Trois versions de Tête seront réalisées et peintes par Picasso à l’automne 1928. De même, au printemps 1929, Picasso travaille dans l’atelier de González à la grande sculpture en fer soudé la Femme au jardin27. Comme il souhaite conserver l’original, qui de plus se détériore à l’extérieur, il demandera en 1931 à González de réaliser une copie en bronze forgé et soudé, ce qui constituera un « travail de titan » selon l’expression de ce dernier. Durant leur collaboration dans l’atelier de Picasso à Boisgeloup à partir de 1930, il est fréquent que les deux artistes aillent se fournir en matière première dans les décharges, chez les ferrailleurs, le forgeron, ou à la quincaillerie du quartier. Le travail de recyclage des objets, l’appauvrissement de la matière, mêlés à la force de l’inspiration créatrice de Picasso, influenceront dès lors la conception des propres sculptures de González. Entre 1929 et 1930, González trouve enfin un style et réalise, à 50 ans passés, ses sculptures les plus importantes dont : Don Quichotte (la première réalisée), la Petite Danseuse, Tête aigüe, Le Baiser et l’Arlequin. Ces sculptures dites « linéaires » ont pour principe novateur d’utiliser le vide pour créer le volume et cette découverte stylistique sera à l’origine de sa reconnaissance internationale. Le 1er décembre 1929, il signe un contrat d’exclusivité pour trois ans avec la galerie de France.
En 1931, González travaille à Femme se coiffant, qui représente alors l’un de ses projets les plus ambitieux, en s’inspirant de la Femme au jardin de Picasso qu’il est en train de couler en bronze. La question de l’impact de Picasso sur le travail de González est un point fortement débattu dans le monde de l’histoire de l’art depuis un demi-siècle. C’est en particulier la thèse soutenue par Werner Spies dans plusieurs ouvrages qui rapporte notamment une conversation qu’il a eu avec Picasso dans les années 1960, lors de laquelle l’artiste lui déclara que González lui avait demandé l’autorisation d’exécuter des sculptures selon les techniques qu’ils avaient mises au point ensemble, ce que Picasso encouragea. À l’inverse, Tomàs Llorens, ancien directeur de l’IVAM et du musée Reina Sofía, défend l’idée que les créations de González durant cette période sont le résultat de sa propre recherche stylistique et que l’influence de Picasso n’est qu’indirecte; se référant notamment aux textes et lettres de David Smith. Ce qui est certain, c’est que Picasso a au minimum servi de catalyseur à l’épanouissement du talent de son ami, qui à plus de 50 ans est enfin au sommet de sa créativité. Après une ultime séance de dessin à Boisgeloup en juillet 1932, Picasso et González cessent leur collaboration.
González exposera au Salon des surindépendants à Paris en octobre 1932. En décembre 1933, il commande à l’architecte Périllard, la construction de son atelier-appartement à Arcueil dans la banlieue sud de Paris. Ce projet n’aboutira qu’en 1937. À cette période, alors qu’il n’est pas reconnu dans son pays d’origine, sa notoriété commence à dépasser les frontières de la France, avec des œuvres acquises aux États-Unis par John Graham et une exposition en Allemagne à l’automne 1934 à la Kunsthaus de Zurich, intitulée Qu’est-ce que le surréalisme ?, en compagnie d’Alberto Giacometti, Jean Arp, Max Ernst, et Joan Miró. S’ouvre alors pour González une grande période de reconnaissance de son travail aux côtés de ses contemporains espagnols tant lors des expositions surréalistes (comme à la Galerie du Jeu de Paume en février-mars 1936), que cubistes (comme au MoMA de New York en mars-avril 1936 avec l’exposition Cubism and Abstract Art et celle de 1937 Fantastic Art, Dada, and Surealism). De façon surprenante, alors que son travail novateur utilisant les plans vides et les sculptures linéaires est de plus en plus exposé et apprécié, Julio González décide entre 1933 et 1936 de s’orienter en parallèle vers de nouvelles recherches sur le volume, notamment en réutilisant les volumes pleins et la figuration. Ainsi, il utilise la pierre de son village de Monthyon, pratique la taille directe, et alterne entre figuration et abstraction. Ceci est à mettre en relation avec l’influence que la statuaire gothique des cathédrales à sur lui à cette époque, comme le montre son manuscrit Picasso et les cathédrales de 1932.
Les périodes de Guerres et sa fin de vie :
À partir de 1936, Julio González pratique un retour à la « géométrie abstraite des plaques de fer », avec notamment Daphné et surtout avec ce qui est considéré comme une de ses créations les plus importantes Femme au miroir, qui marquent la période de ses sculptures métamorphiques38. Le 18 juillet 1936 éclate la Guerre civile espagnole. Les Républicains espagnols nomment Picasso directeur du Musée du Prado à Madrid le 14 septembre 1936 et celui-ci propose González au poste de Secrétaire général, poste qu’il refusera toutefois39. L’année suivante, il présentera une sculpture, La Montserrat, au Pavillon d’Espagne qui abrite le tableau Guernica de Picasso lors de l’Exposition universelle à Paris de 1937, réaffirmant ainsi fortement ses positions anti-franquistes. Cette œuvre, l’une des plus connues de l’artiste, surprendra les critiques par son retour à une stricte figuration. Elle est le fruit de quatre années de réflexion de la part du sculpteur qui réalisera de nombreuses études et versions (têtes, mains, masques…) avant de la compléter définitivement durant l’hiver 1941-42. La Montserrat, qui représente une simple paysanne effrayée, hurlante, et se cachant le visage des bras, est pour González un cri d’horreur face à la barbarie qui croit dans son pays et en Europe.
Le 18 janvier 1937, il épouse Marie-Thérèse Roux avec laquelle il vit depuis de nombreuses années et ensemble ils emménagent à Arcueil dans son nouvel atelier-appartement de la rue Roger-Simon Barboux41. Le 22 juillet 1939, sa fille Roberta González épouse le peintre allemand Hans Hartung qui déserte alors l’armée de son pays. González demande à Picasso une lettre de « sympathie et de loyauté » pour son gendre afin que celui-ci, en tant que déserteur allemand, puisse s’engager dans la Légion étrangère et combattre pour la France, ce qui se fera le 26 décembre 1939. À la suite de la défaite de la France et l’entrée des Allemands dans Paris, toute la famille part alors s’installer dans le Lot en juin 1940, à Lasbouygues. Hans Hartung doit ensuite passer en Afrique du Nord en 1941, et González ne le reverra pas.
Les restrictions de la guerre l’empêchent de pratiquer la sculpture avec ses techniques de soudure. Il s’oriente alors vers les plâtres, le dessin, et l’aquarelle. González revient à Arcueil en novembre 1941. Fatigué et éprouvé par la guerre sa santé décline, il décède le 27 mars 1942, laissant une dernière version inachevée d’une Montserrat effrayée. Picasso, présent aux obsèques de son ami et très affecté, peindra les 5 et 6 avril 1942 une série de sept toiles inspirées par la mort de Julio González et la couleur des vitraux de l’église d’Arcueil, intitulées Natures mortes à la tête de taureau (Hommage à González).
(Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 3.0. Source : Article Julio González de Wikipédia en français (auteurs)
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