A personal statement :
Comme chaque année pendant la Fiac, c’est une vraie joie et un plaisir de présenter chez Tajan ArtStudio, une exposition dédiée aux jeunes et prometteurs créateurs en art et design. Il est aujourd’hui également bien connu que, dans un marché de l’art de plus en plus conceptuel et numérique, je suis une des rares voix à défendre avec force
la peinture.
Mon équipe et moi-même sommes honorés d’exposer en ce mois d’octobre les nouvelles peintures d’Eva Nielsen, une jeune artiste française en laquelle je crois ardemment et que j’admire énormément. Je suis le travail d’Eva et son évolution depuis plusieurs années et je considère son oeuvre unique et spéciale, tant en terme de contenu conceptuel que de techniques employées. En superposant et en mélangeant l’huile, l’acrylique, l’encre et la sérigraphie, cette artiste extrêmement innovante crée des espaces mobiles, mystérieux, parfois hantés, et toujours poétiques et originaux. Les structures physiques, solides, donnent une certaine stabilité et une pérennité dans l’évolution constante du jeu entre ombres et lumière. Elles nous interpellent, nous questionnent, nous stimulent dans notre quête de l’inconnu, et en parallèle nous apportent confiance et stabilité.
Compte tenu de l’implication de Tajan et de son esprit d’innovation dans le domaine du design, il est toujours difficile de choisir un designer pour cette semaine spéciale Fiac à Paris. Notre découverte de Kinetura et de leur intérêt particulier porté aux oeuvres lumineuses interactives, «La quatrième dimension», nous a donné la réponse évidente à notre recherche et le partenaire idéal pour le travail d’Eva. Leurs créations respectives se répondent, se mêlent et soulignent chacune le meilleur du travail de l’autre.
À tous les amateurs et passionnés d’art et de design, qui se donnent rendez-vous à Paris à l’occasion de la Fiac, je vous invite à nous rendre visite chez Tajan ArtStudio afin de découvrir et d’apprécier le prodigieux plaisir de la création. Rodica Seward
Matthias Weischer
Entre ombre et lumière se tiennent des architectures, fragments de bâtiments vides de toute présence humaine à l’exception de celle de notre regard. Le paysage qui les entoure se déploie en un lointain qui donne par contraste toute leur consistance à ces figures de béton. Parfois ce lointain vient les érafler, comme dans le tableau « Thalle », où l’impression est celle d’une brise sableuse qui balaye l’espace en effritant les restes monumentaux d’une construction dont ne subsistent que trois piliers.
Ruines de guerre ou ruines du temps ? Traces de la réalité la plus cruelle ou scène de science-fiction ?
Ces trois piliers ou colonnes figés en un territoire désertique me rappellent la statue disparue du roi Ozymandias, cet Ozymandias évoqué dans un poème par Shelley, roi puissant parmi les puissants et dont ne subsiste pour tout témoignage de gloire qu’une inscription sur un socle perdu parmi les dunes.
Une énigme de temps et de lieu habite ces architectures d’apparence à la fois ancienne ou d’aujourd’hui, construites en des espaces hantés par la lumière d’un film qui serait comme projeté sur la toile. Cette lueur mouvante irradie le pourtour des structures de pierre, à l’image d’un « movement into space », et donne à ces représentations une présence dont on ne sait au travers de quelle dimension elles nous fixent. Marc Desgrandchamps
Les peintures d’Eva Nielsen ne me déçoivent jamais. Mieux, dès que j’en découvre de nouvelles, elles me rappellent pourquoi je me suis consacré à l’art contemporain. Étudiant en histoire de l’art, je me souviens clairement de cette question rituelle : « Pourquoi vous intéressez-vous à l’art contemporain ? », et de ma réponse : « C’est la possibilité unique d’accompagner le processus créatif, de s’interroger sur ce que le futur retiendra de la création d’aujourd’hui, de se façonner ses propres idées en observant des artistes développer simultanément leurs propres expressions, sans le poids du passé ni le confort des théories éprouvées.
Il faut se faire confiance et croire aux artistes. » J’ai une confiance absolue en Eva Nielsen, une artiste qui se dédie depuis près de dix ans, avec une rare sincérité, à la peinture, le plus ancien de tous les médiums.
Consacrer sa vie à l’art signifie être capable d’évoluer, de changer, de questionner sa propre pratique, tout en restant fidèle à ses intuitions premières. Eva Nielsen croit en la peinture – qu’elle n’envisage pas comme une terra isolata mais toujours en lien avec la photographie (évidemment), la littérature, le cinéma, l’installation et la pratique curatoriale – puisqu’elle croit en sa capacité à embrasser nos mondes intérieurs et extérieurs grâce à une infinité de gestes et d’effets : ceux de la lumière et de la couleur, grâce à la stratification des couches picturales ou à son usage essentiel de la sérigraphie, par la répétition d’un motif ou son complet recouvrement, en mettant en scène la réserve ou notre conscience du simulacre, en flirtant avec l’abstraction ou en jouissant de la puissance de l’architecture. Depuis ses débuts, Eva Nielsen est cette artiste des « architectures habitées par l’absence » : Ellis Island, le Walden de Henry David Thoreau et ces sculptures insensées des ronds-points de banlieue en sont les exemples les plus représentatifs. Ces espaces de transition, comme la peinture l’est par définition, l’intéressent pour évoquer en creux notre humanité – tels ces enfants des toiles issues de sa recherche photographique sur les jardins d’enfants de la banlieue parisienne (Foxer, 2015) –, ainsi que pour composer un espace pictural fait de cadrages, de perspectives et de plans successifs (la série Pallène et Ascien, 2015). Pour Eva Nielsen, la surface de la peinture demeure un sujet d’examen, à approfondir sans cesse, à l’heure de la planéité digitale, comme ses recherches récentes sur le volume et le trompe-l’oeil l’illustrent (Template et la série Lucite, 2014 et 2015). Dans une conférence donnée en 2014 au Collège de France, elle déclarait : « Dans les peintures de Zurbaran, Filippo Lippi ou les maîtres hollandais, l’impression que l’air circule me stupéfie. » Cette fascination, elle est à l’oeuvre dans son outil visuel et mental privilégié : regarder le paysage à travers la fenêtre d’un train pour essayer de donner forme à des visions – plus tard transposées en peinture – dans lesquelles des sensations en deux et trois dimensions se confondent, comme s’y combinent le nouveau et le « déjà vu », le béton, la nature et le vide.
Face à la toile, Eva Nielsen est intéressée par « le moment du choix, les expérimentations, le travail de composition qui s’effectuent tout en travaillant à partir de règles et de principes qui ne deviennent jamais des obstacles, tenant à prendre en charge les données de la peinture et à tester comment elles peuvent interagir ou se repousser ». Sa pratique révèle une expression singulière de la peinture, traçant sans relâche son chemin, grâce à son approche ouverte du médium et à sa vision de la peinture à la fois comme cosa mentale et comme fenêtre sensible ouverte sur le monde. Clément Dirié
Matthias Weischer
En créant Kinetura en 2004, Xaveer Claerhout, architecte et Barbara Van Biervliet, ingénieur, ont progressivement mené leurs recherches dans les champs du design et de l’architecture. Adeptes du précepte « la forme suit la fonction », ils se sont particulièrement intéressés à la notion de multi-fonctionnalités à travers des oeuvres modifiables ou déformables.
Leurs oeuvres s’expriment comme une nouvelle génération de vecteurs de lumière. Des objets qui avaient été pensés par leurs prédécesseurs comme supports de lumière disparaissent et se diluent dans une approche résolument architecturale. Les appliques sont avalées par le mur, les lampes s’intègrent à des totems mobiles, la fonction première est transcendée par un lent vibrato qui nimbe l’espace d’une nouvelle dimension. Il en résulte une atmosphère paisible et bienfaitrice, rythmée par un mouvement impalpable dont la dynamique est un vecteur de lumière et de sérénité, en conjuguant l’espace et le temps.
Les oeuvres de Kinetura nous attirent irrésistiblement. Parmi les nombreuses qualités et exigences qui les composent, on ressent tout d’abord une forme de douceur et d’intimité. En même temps on comprend intuitivement qu’il y a là une forme de révolution architecturale.
Afin de densifier les fonctionnalités, ils ont opté pour un mode de transformation progressif, en créant un processus de métamorphisme lent qui fonctionne comme une respiration. Leur approche si personnelle d’un design évolutif, métamorphique et sensible est saluée dans le monde entier comme un accès privilégié à un monde harmonieux où la forme vient poétiser la nécessité de la fonction. Jean-Jacques Wattel.