Un monument pictural landais,presque jamais montré au public,
mis en vente aux enchères, à Bordeaux
Par Benjamin Ferret – b.ferret@sudouest.fr
Publié le 15/01/2022 à 16h33
Publié le 15/01/2022 à 16h33
« L’Assemblade au pays landais » mise en vente. Ce nom, nimbé de son mystère certain, renvoie au grand œuvre du Dacquois Alex Lizal. Datée de 1904, cette peinture apparaît en bien des points comme un tableau hors norme. Par son format, tout d’abord, avec une toile longue de 3,20 mètres pour une hauteur d’1,30 mètres. Panoramique, cette huile marque « la préoccupation d’en voir plus et d’en donner plus à voir » du peintre, selon Jean-Roger Soubiran.
Auteur d’une biographie d’Alex Lizal, qualifié de « naïf Gauguin landais » dans son ouvrage paru chez Passiflore, ce professeur des universités relève aussi, combien, « L’Assemblade » rompt avec les conventions picturales alors établies. « Elle se lit de droite à gauche », avec une composition « sans centre », s’articulant en deux temps : la fin d’un repas et le début d’un bal.
« Fresque historique »
Illustration d’un mouvement collectif, la peinture aurait même, pour l’universitaire, valeur de « fresque historique », avec une scène de communion laïque mêlant commensalités, mouvements dansés et fête foraine, dans un village à l’orée de la forêt landaise.
Témoignage d’une tranche de vie des années 1900, ce monument pictural landais n’a pourtant été apprécié que de rares personnes, depuis plus d’un siècle et sa présentation, à Paris, au Salon des Champs-Élysées de la Société des amis des arts.
Achetée quelques centaines de francs par la direction de la Caisse d’épargne de Dax de l’époque, l’une des fidèles mécènes d’Alex Lizal, « L’Assemblade » et d’autres de ses tableaux sont en effet restés enfermés dans la salle du conseil d’orientation de cette banque jusqu’aux derniers mois de l’année écoulée. Une seule présentation publique avait eu lieu, dans sa ville natale, à l’occasion d’une exposition organisée au Musée de Borda, dans le cadre du centenaire de la mort d’Alex Lizal, en 2015.
« Dans la grande Lande » fait partie des huiles sur toiles d’Alex Lizal possédées depuis plus d’un siècle par la Caisse d’épargne Aquitaine Poitou-Charentes.
« Ce caractère inédit sur le marché de l’art, avec des pièces qui n’ont jamais changé de propriétaire et ont été très peu montrées, donne un côté exceptionnel à cette vente », s’enthousiasme Me Antoine Briscadieu. Commissaire-priseur, à Bordeaux, il aura ce samedi 22 janvier la charge des enchères faites sur trois peintures d’Alex Lizal.
Trois jours d’exposition avant une après-midi de vente
L’exposition des 282 tableaux de Peintures bordelaises aura lieu les jeudi 20 et vendredi 21 janvier, de 10 heures à midi et de 14 heures à 18 h 30, ainsi que le samedi 22 janvier, entre 10 et 12 heures.
La vente aura lieu samedi 22 janvier, à partir de 14 heures, sur inscription. Elle se déroule également en ligne sur interencheres.com et drouotonline.com et par téléphone, à l’hôtel des ventes : 05 56 31 32 33.
Hôtel des ventes Bordeaux Sainte-Croix, 12-14 rue Peyronnet, à Bordeaux.
Maître Antoine Briscadieu vendra aux enchères 282 tableaux, dont trois peintures d’Alex Lizal, lors de la sixième édition des Peintures bordelaises, ce samedi 22 janvier.
Estimée à un prix entre 20 000 et 30 000 euros, « L’Assemblade au pays landais » ne saurait toutefois être résumée à cette seule somme d’argent, dont le profit ira au Fonds de dotation de la Caisse d’épargne Aquitaine Poitou-Charentes. « Lorsqu’on organise des ventes de la sorte, on ne cherche pas à brader le patrimoine. Mais à le mettre en lumière », affirme Me Briscadieu.
Loin des Landes ?
L’argument est valable pour « L’Assemblade » comme pour « Le Marché aux cruches de Dax » et « Dans la Grande Lande », les deux autres huiles sur toile d’Alex Lizal mises en vente ce samedi. Il l’est tout autant pour « Étang landais », de son disciple, Jean-Roger Sourgen, ou les peintures de Suzanne Labatut ou Roland Oudot, autres Landais cotés pour cette vente. Il n’en demeure pas moins que le risque de voir ces œuvres quitter leurs terres d’origines est certain.
« Le Marché aux cruches de Dax », peint par Alex Lizal en 1903, est estimé entre 12 000 et 18 000 euros.
« Cela serait dommage que ces toiles du plus connu des peintres landais du début du XXe siècle partent loin d’ici », reconnaît Gonzague Espinosa-Dassonneville. Le trentenaire, président de la Société de Borda, sait la chose compliquée. « La conservation du patrimoine, c’est toujours un sujet épineux. Que garder ? Que montrer ? La question financière peut aussi poser problème : il faut qu’il y ait une volonté politique et les moyens. »
Cet intérêt pour des pièces vendues aux enchères peut se traduire, pour les collectivités publiques et les musées, de deux manières. « Soit il y a une politique d’achat, avec un budget alloué et une participation aux enchères. Sinon, c’est le droit de préemption », dévoile Me Antoine Brisadieu.
Ce « principe régalien » de se substituer à l’acheteur, juste après le coup de marteau du commissaire-priseur, sera-t-il employé pour « L’Assemblade au pays landais » ? Interrogée sur l’éventualité d’un achat, la municipalité dacquoise répond que « La Ville n’a hélas pas les moyens financiers d’en faire l’acquisition et le regrette. » L’hypothèse semble également exclue pour le Conseil départemental des Landes. Des alertes ont cependant été lancées auprès de musées d’Aquitaine susceptibles d’apprécier le caractère patrimonial des œuvres de Lizal.
« Étang landais », de Jean-Roger Sourgen, disciple d’Alex Lizal, fait également partie des pièces vendues aux enchères.