Le 16 avril prochain, Tajan présentera sa vente semestrielle Mobilier et Objets d’Art, incluant notamment un canapé dit tête-à-tête à dossier plat à la reine, en hêtre doré, réalisé pour le salon de compagnie de Madame ÉLISABETH À MONTREUIL, par JEAN-BAPTISTE-CLAUDE SÉNÉ (1748-1803), estimé entre 150 000 et 300 000€.
Le domaine de Montreuil fût offert à Madame Elizabeth alors âgée de 19 ans par son frère, le roi Louis XVI qui l’acheta en 1783 suite à la faillite des précédents propriétaires. En 1788, elle se lance dans une grande campagne de réaménagement de sa demeure sous la direction de l’architecte Jean-Jacques Huvé (1742-1808). Les travaux terminés à la fin de l’année, d’importantes commandes de meubles sont alors lancées pour compléter le mobilier. Ceci constitue l’une des dernières commandes livrées par le Garde-Meuble avant la Révolution. Deux pièces font l’objet de soins particuliers, la chambre de Madame Elizabeth et le Salon pour lequel elle commanda un important et somptueux mobilier dont ce canapé provient.
Un inventaire du contenu de sa résidence fut établi en 1790. La commande fût passée le 1er avril 1789 à Jean-Baptiste-Claude Séné (1747-1803), reçu maître le 10 mai 1769, pour la menuiserie ; il consacra les premières années de sa carrière au service d’une clientèle privée. Puis de 1781 à 1791, il figura parmi les fournisseurs réguliers du Garde-Meuble de la Couronne. Il bénéficia alors de commandes du roi pour les châteaux de Saint-Cloud, Versailles, Fontainebleau ou encore Compiègne mais également de la reine ainsi que des membres de la famille royale. Il collabora avec Jean-Baptiste Boulard (1725-1789) afin de réaliser les commandes les plus sophistiquées. Sené est considéré comme le plus grand menuisier en siège français du règne de Louis XVI, à l’égal de Georges Jacob (1739-1814).
La sculpture des canapés, fut confiée à Louis-Alexandre Régnier (1751-1802), qui est reçu maître sculpteur en 1780, ce dont atteste le mémoire des fournitures de sculptures faites par Alexandre pendant les six premiers mois de l’année 1789 pour le service du Garde-Meuble de la Couronne (Archives Nationales, France, illustré ici), où sont décrits « Pour le Service de Madame Elisabeth fourni la sculpture en meuble désignée ci-après/Savoir »… » « Six tête-à-tête de 3. p… même ornement… « .
La dorure revint à Louis-François Chatard (1749-1819), fournisseur privilégié du Garde-Meuble Royal sous Louis XVI, qui fut reçu maître peintre et doreur de l’académie de Saint-Luc en 1775. À noter que Chatard était également parfumeur, deux métiers proches au XVIIIe siècle car les matières premières étaient souvent les mêmes et se trouvaient chez les mêmes fournisseurs ; il fut reçu à la maîtrise de parfumeur en 1782 et ouvrit une boutique de parfum rue Feydeau à Paris la même année.
La commande du mobilier pour le salon de compagnie du domaine de Montreuil, qui était une grande pièce carrée dans l’avant-corps du château, se composait de : Deux canapés (L. 2,60 m), six petits canapés dits « tête à tête » dont celui présenté ici, quatre bergères, quatre fauteuils » rond en gondole « , dix-huit chaises dont six à carreaux (à coussin), quatre voyeuses à genoux dont deux à dossiers garnis et deux à dossiers ajourés, un écran à colonne, un paravent à six feuilles.
Ce mobilier avait été recouvert d’un lampas de soie « à figure de ciclopes » livré en 1785, à l’origine destiné au salon des jeux de Louis XVI à Fontainebleau. La Révolution est là, Madame Elisabeth, suit la famille royale en exil au château des Tuileries et quitte définitivement sa demeure en décembre 1789. Les scellés sont posés sur le domaine en 1790 et en 1793, le mobilier du salon de compagnie de Montreuil est vendu à l’encan, en trois lots, au château de Versailles dans le logement occupé autrefois par la princesse de Lamballe sur la Cour des Princes entre le 25 août 1793 et le 11 août 1794.
Le canapé sera vendu dégarni mais la garniture a été conservée et pourra être transmise à l’acquéreur.